Déménagement – J’y retourne
Autoportrait de dos en face de ma bibliothèque

Après 1 an à ne pas me sentir chez moi, je réalise que le problème se trouve ailleurs… Ou alors l’ai-je toujours un peu su?

Précédemment dans “Journal d’un déménagement”

Ça fait plus d’un an

Ce Journal d’un déménagement, je devrais lui créer une histoire plus grande en deux parties: le Déménagement puis l’Emménagement. Ça fera peut-être l’objet d’un recueil de nouvelles, qui sait, clin d’œil clin d’œil.

Pour la petite anecdote, quand j’ai écrit « Déménagement – 4 mois plus tard » et que je l’ai publié sur mes réseaux, un ami de mon frère s’est demandé si je déménageais de nouveau (coucou).

Alors, non, je n’avais pas redéménagé, ouf.

Par contre, nous sommes en Août et cela fait 1 an et presque 2 mois que je suis à Rouen. J’aurais pu écrire un billet à l’anniversaire, dire à quel point je me sens à la maison, à quel point je suis bien ici, marquer le coup.

La vérité n’y serait pas.

Oui, Rouen, c’est devenu ma ville et ça, c’est une certitude. Je suis bien ici, quand bien même cela pose un sacré nombre de problèmes pour la vie que je souhaite mener mais ça en résout d’autres!

Tu vois, j’ai un plan en trois étapes (je te l’ai déjà dit, non? je suis sûr que si…):

  1. Emménager à Rouen et voir si je m’y sens bien.
  2. Acheter à Rouen pour avoir un investissement immobilier et faire de cette ville mon QG, quoique habiter à 1h30 en train de Paris rend les voyages un train plus compliqué.
  3. M’expatrier de nouveau. Renouer avec ce rêve qui sommeille depuis 6 ans.

Six ans, putain.

Pardon, je le dis pas souvent celui-là mais en écrivant ces mots, cela m’a frappé.

Six ans, putain.

Je suis revenu d’Irlande en Août 2016. J’ai mis 6 mois à vider mes valises car cette année eut l’effet d’une fracture: quelque chose en moi s’était brisé pour se former plus fort encore.

Mon moi de 21 ans, avec ses certitudes, ses peurs, ses a priori, son étroitesse d’esprit. C’est cliché, ouais, mais c’est vrai, aussi.

C’était un tournant, cette année et c’est pour cela que j’en parle si souvent, parfois trop! Je m’expatriais pour la première fois et j’affirmais trois grandes ambitions dans ma vie:

  1. Me lancer dans le monde du digital qui, je te le rappelle, était une hérésie en 2015: il ne fallait surtout pas se spécialiser dans le web après la licence, imagine quelqu’un débranche internet! J’en rigole mais c’était une réalité: le digital, à l’époque, c’est une filière terriblement risquée aux yeux de tout le monde et il valait mieux en faire une option, pas une spécialisation.
  2. Faire quelque chose de sérieux de ma vie d’écrivain et me servir du digital pour parvenir à faire quelque chose de bien.
  3. Vivre à l’étranger, c’est ça qui m’anime. Je me sentais bien en Irlande mais je ne voulais pas en rester là; la France n’a plus le parfum de la maison alors il y a forcément un pays dans ce monde qui me permettra de me sentir pleinement bien. Digital et écriture sont parfaits pour créer cette liberté.

Je me rappelle ce repas, avec mon boys band de français dans les locaux de Google pour qui nous étions externes (ouais je flex mais c’est la partie immergée de l’iceberg, je t’assure…). J’avais posé une question simple: « où serez-vous, dans 5 ans? »

Je me rappelle avoir posé cette question avec une intention très précise: je savais déjà que je ne dépasserais pas l’année à Dublin car j’avais à cœur de terminer mes études et de ne pas m’installer trop longtemps, de peur de ne plus vouloir partir et donc de ne pas découvrir le monde. J’avais besoin de leur bénédiction, pourtant, lorsque mon tour vint de répondre: « Moi? J’aimerais mettre à profit mes compétences en digital pour ma vie d’écrivain. D’ailleurs, j’ai été pris pour un MBA Web Business à la rentrée… »

Je me rappelle vivement des mots rieurs de l’un d’entre eux: « Fonce, pense pas à nous », alors que j’exprimais une part de culpabilité de les quitter si tôt, aussi.

Oui, cette année était un pivot incroyable.

Un enracinement, aussi, celui du besoin de recommencer l’expérience.

J’aimerais te dire que je pars

Selon toute vraisemblance, je devrais à présent enchaîner en disant: « Je pars dans 6 mois à l’étranger » et ainsi donner un sens à ce contexte.

Je ne le ferai pas, car ce n’est pas tout à fait vrai. Ce contexte, il est important pour autre chose.

Avant d’être à Rouen, j’avais essayé Zürich. J’y ai même bossé pendant 3 mois, entre deux trains, dans une entreprise au leadership exécrable et sans parvenir à m’y installer pleinement. Le peu de portes ouvertes était, assurément, la faute à un profil « jeune diplômé », en dépit de mes 3 ans d’expérience et de projets salvateurs. Je ne souhaitais pourtant plus prendre de risques après ma première expérience sur place et plusieurs mois de chômage: il fallait me recentrer, rester à Paris, retarder mes ambitions, rester patient.

Grâce à un ami, j’intègrerai ma première agence et il me faudrait 2h pour acter que je n’y resterai qu’une seule année. Ça se passait dans les tripes: j’étais pas bien là-ba. Je ne regrette rien non plus car 1 an plus tard, c’est grâce à cette expérience que je suis là où je suis à présent. Je ne voulais pas y rester mais je suis empli de reconnaissances d’avoir pu y être. Un pas après l’autre, toujours.

Je cherchais à déménager à Paris, à ce moment, attendant avec ardeur la fin de ma période d’essai! J’en visiterai une belle poignée, des appartements, sans succès (facteur numéro 1: j’étais très confortable chez mes parents et je n’allais pas partir de ma banlieue pour moins bien juste pour le plaisir de payer un loyer exorbitant; un confort luxueux, donc).

Respectant mon plan, je change d’agence 1 an plus tard pour quelque chose qui correspond point pour point à mes attentes: du digital, de belles capacités de voyager, de l’apprentissage. Je dirai à qui veut l’entendre que j’avais l’impression d’être enfin tombé dans la bonne classe à la rentrée.

C’est encore vrai aujourd’hui, 2 ans plus tard!

Le confinement arrive, les opportunités aussi. J’ai l’opportunité de ne pas obligatoirement emménager à Paris alors je l’attrape au vol et prendre le Nomad pour Rouen.

Et la suite jusque-là, tu la connais, pas vrai?

Le paradoxe

J’ai, depuis, trouvé tout un tas d’excuses pour ne pas m’expatrier ou repartir à l’étranger.

Il faut que je sois honnête avec moi, à la fin. J’suis un gros c*n. Les frontières sont ouvertes, je pourrais techniquement aller dans les autres bureaux de ma boîte, partir à l’aventure, renouer avec mon ambition!

Mais pourquoi faire, voyons, moi ce que je veux c’est vivre à l’étranger, pas y voyager. Ça, ne n’est pas une excuse par contre. Je préfère vivre un pays plutôt que de le visiter. J’aurais pu partir 1 mois sur place, cependant.

Mais pourquoi, à peine à Rouen que je me casse déjà pendant 1 mois, c’est pas logique! Non, je vais continuer de m’installer, de faire mon petit chemin et de m’accrocher à mon plan initial en espérant me sentir à la maison dans cet appartement alors que je sais profondément que ça n’arrivera pas.

Acheter, partir.

Alors je regarde les annonces de loin, sans trop m’investir, avec un enthousiasme lointain. Mon envie est toujours là, pourtant. Ma prise de décision, un peu moins.

Je ne me sens pas à la maison dans mon loft mais j’y suis confortable, malgré tout.

Confort.

Confort.

Confort.

Cette bulle que je croyais ne jamais créer, moi, le grand arrogant qui partit vivre à l’étranger, qui fit un MBA Web Business contre tous les conseils, qui vit 2 mois à Singapour puis 2 mois à San Francisco, qui tenta sa chance à Zürich!

Ce gars, là, qui se prenait pour un grand fou et qui s’est satisfait de son appart et de son café – difficile de ne pas l’aimer – en se perdant peu à peu sur le chemin.

Et l’oiseau chuchota

« Viens, on va à Barcelone! »

Je saute sur l’occasion.

Partir.

Partir.

Partir.

« Septembre 2023, on fait ça? »

Le feu follet dans mon cœur s’agite, l’enthousiasme renaît.

Oui, c’est bien, ça.

« Barcelone ou ailleurs pourvu qu’il y ait un bureau de mon agence! »

« Amsterdam? »

« Amsterdam! »

Oh oui.

Les contours sont flous – encore aujourd’hui – mais il y a bel et bien un croquis et nous le ferons pour sûr, je l’espère sincèrement.

Mais Birdy chuchotera aussi d’emménager ensemble car elle avait besoin de quitter son logement actuel. Ce n’était pas dans le plan, ça.

Confort.

Confort.

Confort.

Je panique, j’ai la tête qui tourne, j’ai des choix à faire, des choix qui, avouons-le nous, ont des impacts sévères sur un couple: refuser d’emménager avec ma belle qui en ressent le besoin ou faire un grand saut du haut de la falaise, ralenti par une bourrasque émotionnelle qui n’a pas de sens?

Je n’ai pas réussi à prendre de photo…. croyais-je

La tempête dure une poignée de semaines. Je finis par faire un choix: celui de l’amour.

Le plus dur fut de faire les premiers cartons. Mon esprit s’était calmé mais j’avais toujours peur, sans trop savoir pourquoi. C’était beaucoup de changement, tout cela.

Je souhaitais marquer le coup, avant de retirer mes premiers livres. Pendant plusieurs jours, j’ai fait plusieurs shooting de self-portrait sans parvenir à faire quoique ce soit. J’adore mes bibliothèques, je trouve qu’elle me ressemble beaucoup et pourtant, impossible de prendre quelque chose de convenable… Alors, ma carte-mémoire pleine d’images insatisfaisantes, je finis par remplir mes cartons et vider une première bibliothèque.

Et l’idée me vient: une petite voiture de voyage, une étagère vide, un nouveau départ. Je ne pouvais pas prendre une photo convenable car intérieurement, cela ne raisonnait pas. Cette nouvelle composition est beaucoup plus réelle: c’est moi dans le miroir.

Focus sur un mini van avec moi en arrière plan

Pourtant, en terminant cet article et en retravaillant mes photos, j’en trouve une autre qui, finalement, raisonne bien. Elle n’est pas parfaite, n’a pas la même atmosphère mais, d’une certaine façon, elle me plaît. Je crois que c’est à cause de sa référence involontaire à Life is Strange.

Après cela, j’ai fini mes cartons. Sur 30 cartons, 20 sont au format livre et 15 d’entre eux sont remplis de ce même objet. La moitié de mon appartement, donc, est composée de livres. C’est cette moitié qui a apporté cette chaleur qui me manquait, plusieurs mois après avoir emménagé et pourtant, j’envisage de ne pas les vider dans le nouvel appartement. À quoi bon? Entre l’achat d’un bien immobilier et/ou le départ à l’étranger, ces livres risquent d’avoir vite fait de retourner en prison de papier. Je ne pense pas les emmener à l’étranger non plus, pas tant que je n’aurai pas choisi un autre pays comme étant ma maison, du moins. Ça fera moins à déménager. Je m’y suis fait. Paradoxalement, j’ai moins de problèmes à m’expatrier avec une valise pour 2 ans qu’à déménager sans mes livres plus de 3 mois…

En réalité, je pense que je suis en colère contre moi, dans tout ça.

Je suis en colère contre moi car emménager avec Birdy n’a aucun impact sur mes plans mais que je m’y suis accroché par résistance au changement. La vérité c’est que j’ai la trouille de repartir à l’étranger, seul, par exemple. J’ai la trouille de partir à l’aventure, de prendre mon sac à dos et de repartir comme un grand. D’une certaine façon, je reste un enfant.

Je suis en colère car je me suis rendu passif de ma vie, je me suis laissé en arrière plan, spectateur de mes angoisses muettes et de mes excuses bidons. J’ai développé une résistance écœurante au changement, moi, l’arrogant! Refuser de déménager avec Birdy et partir de cette garçonnière que j’adorais mais qui n’est pas la coquille parfaite du bernard-l’hermite que je suis, c’était résister.

Je résiste au changement qui est pourtant bien enraciné dans mon tempérament. C’est là, ça ne partira pas et c’est mieux comme ça.

Le dernier déclic s’est fait à mon agence.

Ma nouvelle manager m’a mis au défi de partir visiter un bureau de la boîte d’ici Décembre car elle connaît mes ambitions. Ma nouvelle manager m’a mis face à mes excuses. Je n’ai aucune raison, cette fois-ci, de ne pas le faire. Une fois toutes les excuses, toutes les barrières baissées, il ne reste plus que moi.

So, what will it be?

Pierre-A

Pierre-A

Jeune aventurier perdu entre digital et fantasy. Derrière cette description douteuse se cache un écrivain en quête d'évasion et un web-analyst hyperactif. Derrière cette deuxième description douteuse, juste un grand enfant comme les autres, fougueux et créatif.

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