Tout ce bruit dans ma tête
Le début d’année fut turbulent et je prends enfin le temps de faire le point pour donner une autre direction à la suite de 2023.
Previously in… moi
En Janvier 2021, j’écrivais “Prendre soin de l’humain derrière l’écrivain” et l’importance de réussir à faire de la place dans ma vie – et ma tête – pour ce qui compte réellement.
L’été 2022, je prends une bonne résolution et parviens à passer en 80% pour bosser alors 32h/semaine au lieu de 39h et ainsi récupérer mes vendredis pour les dédier à l’écriture, et à moi.
Cela n’a pas résolu mon problème, voire même, il s’est empiré.
L’Écrivain
J’ai traditionnellement participé au marathon créatif qu’est le NaNoWriMo et si j’ai plus ou moins atteint ce que je souhaitais. Je me suis fait une promesse aussi:
Je rêve de voir Hebenelia vivre à travers tes yeux et ta plume et je vaincrai démons et voix afin d’y parvenir
J’y crois toujours.
Mais c’est de plus en plus dur.
Créativement, nous avons beaucoup charbonné avec mon coach Stéphane et j’ai un document de genèse et mise à plat de mon univers de 25 pages (sans compter les pages d’inspirations et de tempête cérébrale).
Ouais t’es en train de nous faire un classique “je fais un super bestiaire, de la politique dans tous les sens car j’ai peur d’écrire!”
Eh bien, objectivement, même pas.
Déjà car je n’écris que l’essentiel (donc bestiaire et politique… on s’en fiche, au moins pour le moment).
Et aussi car c’est un travail primordial: je m’attèle à comprendre la physique de mon monde, d’ancrer son fonctionnement par rapport à la Terre, m’assure que mes êtres vivants peuvent y vivre en toute cohérence et tâche de relier tout cela aux thèmes de mon histoire.
Sans ça, sans ces bases élémentaires, je ne peux débuter mon histoire sans prendre le risque de me retrouver une énième fois face à un mur de cohérence et de lore.
Et ce travail est d’autant plus nécessaire qu’il ne s’agit pas de préparer 1 tome mais 1 trilogie et 1 infinité d’histoires dans 1 univers.
Voilà pour le statut de mon écriture… enfin presque, on s’en reparle tout à l’heure.
Le Web-Analyst
Lui, il est en vrac.
Les mois de Décembre, Janvier et Février furent chaotiques et je suis globalement sur un fil dangereux: celui qui me fait marcher en équilibre au-dessus des flammes. J’aurais aimé écrire l’état d’épave dans lequel je me trouvais il y a quelques semaines mais même être bavard sur mon propre blog, c’était pas simple.
Ce qu’il s’est passé est la même chose qui m’a conduit à passer en 80% l’hiver-printemps 2022: une mauvaise gestion de mon temps combinée à des cycles de travail dantesques.
Pour être plus précis, ma vie professionnelle consiste à gérer la stratégie d’amélioration continue de mes clients (banque, universités, sites de vacances…) et elle prend beaucoup trop de place par rapport à ma vie artistique.
C’est quoi l’amélioration continue?
Prenons l’exemple d’un café
Prenons ta boutique préférée, ton café local par exemple. Il y a des clientes et clients qui passent tout au long de la journée, qui commandent diverses boissons et plats, grignottent quelques gourmandises au passage, sur place ou à emporter.
Mon rôle, dans ce contexte, est d’analyser tous ces flux de gens en tant que masse, de comprendre leurs mouvements et surtout leurs problèmes: pourquoi une partie de ce flux rentre dans le café mais ressort sans commander? Pourquoi une autre partie a beaucoup d’hésitation ou sent frustrée? Une fois que j’ai identifié un problème (par exemple: les pâtisseries ne sont pas bien organisées et on ne comprend pas à quoi elles sont ni leur prix), je m’attèle à trouver une solution sous forme d’hypothèse (par exemple: réarranger les pâtisseries et concevoir des étiquettes avec le nom, le prix et les allergènes permettra de réduire l’hésitation et de faciliter l’achat). Je travaille alors avec les personnes chargées de mettre mon idée en place (par exemple: illustrer et imprimer les étiquettes, façonner de nouveaux supports en bois pour présenter les gourmandises) et m’assure que le café est satisfait du concept. Avant-dernière étape, je teste mon hypothèse sur la moitié de ce flux et compare cette moitié à l’autre moitié, celle qui n’est pas concernée par ces changements. Dernière étape alors, quelques jours, semaines plus tard, j’analyse les résultats pour voir si mon hypothèse a apporté une solution et, à défaut, si elle me donne des pistes pour de nouvelles hypothèses.
À travers le prisme d’un site, c’est exactement la même chose mais avec plus d’outils, de données et de flexibilité!
L’engrenage
Je jongle entre plusieurs clients, sans pouvoir m’investir à la hauteur de mes exigences pour chacun d’entre eux.
Les choses ont réellement commencé à se corser l’été 2021 quand j’ai pris en charge un énorme client (le plus gros de l’agence américaine). Ce client venait avec une équipe de 5 personnes à gérer, des réunions qui n’en finissent pas et un site archaïque, soit beaucoup de choses à apprendre et découvrir pour tenter de porter ce client à haute responsabilité. J’ai fait au mieux malgré la charge et la frustration, jusqu’à instaurer des bases solides et signer la stratégie 2022. Cependant, ce client n’était pas le seul dans ma tête et vint rapidement le débordement, couplé à mes difficultés à déléguer (pour le coup, c’est en grande partie ma faute car je suis mauvais de ce côté-là).
C’est lors d’une après-midi, après un rendez-vous client lambda, que j’ai craqué. C’était un sujet anodin, ou, du moins, ça l’aurait été si je n’étais pas déjà vulnérable mentalement à cause de longs mois à batailler et danser d’un client à l’autre. Pour autant, j’étais frustré, énervé, aussi, face à celui-ci qui ne m’écoutait pas et qui se concentrait à perdre du temps sur des choses futiles. J’ai donc fait bonne mine, puis, j’ai fermé mon écran d’ordinateur, j’ai hyperventilé et je suis monté sur la terrasse du bureau parisien pour me calmer, musique comme partenaire. J’ai envoyé un message à mon manager et quelques discussions après, la médication était simple: soit je sors de ce client, soit je pars en burnout.
Alors, plusieurs semaines et réunions managériales plus tard, je sors du compte et passe en 80% pour retrouver la maîtrise de mon temps à travers mes vendredis. Nous sommes alors en Mars 2022.
Les choses se stabilisent relativement jusqu’en Septembre, mois durant lequel un nouveau client arrive pour un nouveau rush et des heures en extra qui s’accumulent et des points de vie qui s’envolent. A ce stade, je suis de nouveau vulnérable, si tant est que je me sois remis d’aplomb entre temps. Décembre, c’est le couperet: une collègue part et, seul disponible à mon niveau d’expertise, je dois récupérer ses clients; je pars en congés de Noël en sachant que je subirai mon mois de Janvier.
Bon, je subirai aussi le mois de Février.
Dans le vide
Il est récemment devenu clair que j’ai souffert de deux traits de personnalités:
- Je m’engage, donc je fais.
- Je suis exigeant dans ce que je réalise.
Mon grand-frère ajouterait “borné” mais c’est moi qui écris cet article (cheh).
Je démarre Janvier avec appréhension.
Les clients que je récupère me demandent beaucoup de temps pour que je puisse les comprendre, temps que je n’ai pas, avec des informations éparpillées et des clients pressés. Je vise donc à structurer et comprendre dans la foulée, faire un démarrage lent mais assuré pour ensuite aller à toute vitesse. Malheureusement, à vouloir faire au mieux, j’ai trop fait. Beaucoup trop. J’ai cherché à satisfaire des clients et rattraper des retards qui étaient un enchaînement de circonstances naturel lors d’un changement de consultant.
J’aurais dû freiner mais je considérais que je ne le pouvais pas. Encore aujourd’hui, plusieurs semaines après à y repenser, j’aurais probablement fait pareil. En prenant ces deux comptes, j’avais un engagement moral vis-à-vis de mes clients. C’était la pression pour eux aussi, en interne, plusieurs semaines de retard, c’est long quand la hiérarchie fait descendre sa colère. Eh puis, j’étais en opération séduction en tant que représentant de mon entreprise, pas vrai?
Bien sûr, tu me diras, d’un gros “bah, enfin, écoute-toi!”, que je ne devrais pas donner ma santé pour mon travail. La réalité c’est que personne ne m’y a obligé, sauf moi. Enfin, j’ai considéré qu’il était de ma responsabilité de donner tout ce que j’avais pour réaliser mon travail, en dépit du fait que j’avais largement plus de travail que je n’aurais dû en avoir, et que si j’avais cette charge de travail, c’est que j’étais capable de la gérer.
J’aurais dû mieux apprendre à lâcher prise, à déléguer. Je n’y arrivais pas non plus. Le plan précis que j’avais dans la tête pour le faire au mieux et ainsi porter les personnes qui viendraient m’aider ne trouvait pas sa place dans cette urgence. Mon équipe managériale aura fait son possible pour m’épauler mais la réalité c’est que c’était déjà terminé: le cycle dantesque avait démarré. Je n’avais plus de disponibilité mentale pour m’occuper des personnes venues m’aider, que je devais former ou briefer, trop occupé à gérer l’instant.
Il était trop tard, 1 mois trop tard. J’étais pris dans les vagues à faire des tonneaux, à boire la tasse et à espérer arriver sur le rivage de Février avec suffisamment de souffle pour repartir nager. Je devais accomplir ce que j’avais prévu et quand vint le moment de retourner dans l’eau, j’étais en pilote automatique de façon dangereuse.
Je regardais plus les horaires, juste la tâche à accomplir à la hauteur de ce que moi je considérais acceptable.
Mon cerveau turbinait. Je réfléchissais à la journée en cours et du lendemain, malgré tout, pour anticiper, planifier, gérer. Je me réveillais en pleine nuit la tête pleine de choses à terminer avant la prochaine, le temps que je souhaitais passer avec Birdy était survolait par un orage fait de tâches à terminer et mails à envoyer.
Je me levais, travaillais, me couchais, recommançais, sans me poser de question car je devais accomplir ce que j’avais décidé d’accomplir.
Je n’existais plus, d’une certaine manière, car j’étais détaché de mon quotidien.
Le snap
Une promotion, pour ainsi dire refusée, ou, plutôt, retardée.
Voilà ce qui m’a fait craquer.
La particularité de mon agence c’est que les promotions ne sont pas accordées par nos managers, mais par un panel anonyme de la boîte qui se réunit mensuellement pour nous juger de façon anonyme aussi. Sur le papier, c’est pas si mal; ça évite une partie de la subjectivité et si c’est un processus long, c’est un processus juste. Du moins, ça l’était, pis il est juste pour une majorité de l’agence, pas sa totalité. De mon côté, j’en ai quand même profité par deux fois et si j’ai beaucoup à en redire, j’ai pu m’en sortir. Pas cette fois.
Cette fois, beaucoup de personnes demandèrent une promotion en Février, si bien que l’équipe RH a dû faire des choix pour filtrer les personnes qui avaient moins de chance d’avoir une promotion.
Ouais, comme moi. Haha.
Plusieurs semaines de préparation mises sur un coin du bureau.
Mes managers ont eu la très lourde tâche de me l’annoncer ce deuxième mois de l’année. Déçu mais pas surpris. Profondément énervé aussi, agité, lunatique, un sentiment de trahison dirigé vers ma boîte. Bien sûr, ladite boîte, à travers le panel qui n’aura pas eu mon dossier, n’a aucune idée de l’état mental dans lequel j’étais à ce moment, ni la raison et encore moins les conséquences de cette décision à l’aveugle. Toujours était-il que cette nouvelle fut celle de trop. J’enverrai un message à mes supérieurs quelques heures plus tard, pour leur exprimer la profondeur de ma déception et dans quelle mesure cela avait brisé ma relation avec l’agence.
Ils comprennent, bien sûr. Ils me suivent depuis longtemps. Ce n’est que partie remise, ma prochaine chance sera en Avril! Je suis déjà sur le coup.
Sauf que quand la confiance se brise dans une relation après une telle claque, il faut du temps et des efforts pour restaurer le lien. Eh puis, Avril, ce n’est pas fait, encore, aussi ne sais-je pas quelle direction prendra mon avenir le cas échéant.
Les dégâts
Depuis Janvier 2020, j’ai tenté au mieux de préserver mon alter ego artiste. J’ai priorisé, fais des choix organisationnels et financiers pour lui permettre de vivre et de grandir, mettant temporairement de côté d’autres plans, notamment liés à mon désir de vivre à l’étranger. Je m’en sortais pas trop mal. J’étais naturellement toujours sur le fil, toujours au-delà de mes capacités car il est difficile de combiner deux vies en une mais je m’en sortais plutôt bien.
Depuis l’été 2021 néanmoins, c’est ma vie pro qui me grignote toujours un peu plus. J’avais pourtant accompli le NaNo 2021, preuve que ma vie d’artiste avait la place qu’il lui fallait! Cette vie qui finance ma vie a une sa contrepartie sur ma santé mentale en ce début d’année 2023.
Quoique dans un déni certain par ambition et objectif précis, j’ai détourné le regard sur l’épuisement dans ma lumière, prétextant qu’elle pouvait bien attendre, que je faisais attention, que ce n’était que temporaire, que c’était pour la bonne cause, qu’ainsi je finançais ma création, sans réaliser que peu à peu, j’installais des barreaux.
Oui, au printemps 2022 je suis passé en 80%. Je récupérais mes vendredis contre 20% de mon salaire. Je pensais que ce serait pour le mieux mais la réalité des choses fut tout autre: ma charge mentale étalée sur 5 jours s’accumulait alors sur 4 jours. Les conséquences? Je suis beaucoup moins disponible avant ou après ma journée car mon travail se condense donc je rattrape lesdites activités le vendredi. Bref, j’ai gagné 1 jour de travail mais j’ai perdu 1 jour de disponibilité. Je ne repasserai pas en 100% pour autant, j’ai espoir que mon travail à venir me permette de redonner leur lumière à mes semaines.
Malheureusement ou heureusement, en Septembre 2022 j’ai fait un choix angulaire dans ma vie artistique: me faire accompagner par un coach (coucou Stéphane) de façon soutenue et ce choix est autant une bénédiction qu’une malédiction.
C’est une bénédiction naturelle puisque j’avance à un rythme et d’une façon que je n’aurais pu espérer autrement, motivé par l’esprit vif et cinglant d’un sage au regard bienveillant.
C’est une malédiction car toutes ces heures gâchées par la pollution cérébrale de l’analyste que l’artiste rachète aux prix de neurones grillés sont un poids me faisant plus vaciller encore.
Ce sont des heures que je passe à courir sur ce fil alors que je n’ai jamais autant manqué de tomber.
Ce sont des heures que je passe les yeux rivés sur la falaise en face, à espérer que mes pas me porteront avec assurance, encore un peu.
Je suis conscient, bien conscient qu’il faudrait que je me pose, que je respire.
Je ne le ferai pas.
Je vais continuer à marcher et tâcher au mieux de changer le fil plutôt que de changer la vitesse à laquelle je cours dessus. J’ai un engagement vis-à-vis de moi-même et je ne m’arrêterai pas tant que je n’aurai pas atteint ce que j’ai décidé d’atteindre.
En route
J’ai un plan.
Apprendre.
Si je souhaite donner l’inflexion nécessaire à ma vie, je dois apprendre.
C’est ainsi que le Web-Analyst est né, qu’il deviendra plus que cela et permettra à l’Écrivain de trouver plus de place et à Pierra de retrouver son équilibre et se reconnecter à ses objectifs, professionnels et artistiques.
Apprendre, et retrouver le goût de mes métiers, aussi.
Je suis motivé par la devise d’un ancien manager: “Always have fun, et si ce n’est pas le cas, pars”.
J’ai pas envie de partir de mon agence car je lui suis reconnaissant de beaucoup dans ma vie actuelle. J’ai envie d’y croire, j’ai envie de faire cet effort et pour cela, je dois moi aussi changer ma façon de voir et faire les choses. Je ne changerai pas pour mon travail, entendons-nous bien. Je vais changer pour moi et espérer que cela améliore mon travail… et si ce n’est pas le cas, eh bien, j’en serai grandi pour d’autre aventures :)
Je vais apprendre à lâcher prise, à déléguer, à prendre du recul sur mon travail, à donner plus de place aux autres. Et je vais aussi tourner mon regard vers deux autres palettes professionnelles qui m’attirent depuis longtemps:
- Développement web: un domaine que j’affectionne particulièrement, cet humble site étant la preuve insoupçonnée de cela, et qui est un ensemble de compétences dont le manque me frustre dans mon métier car je suis dépendant des connaissances d’autres personnes.
- Analyse de données: un domaine qui gravite quelque part au-dessus du mien et qui y apporte une profondeur inégalable avec mes compétences actuelles; je l’ai toujours eu en tête et j’ai aussi en tête sa capacité à m’aider pour atteindre mes ambitions.
J’ai déjà commencé. Je me fais un attirail de compétences particulièrement complémentaires et je compte bien m’en servir.
Ce début 2023 aura vu une flamme vaciller mais une autre brûler avec plus d’ardeur encore, alors, je souris, après des semaines d’insomnies à serrer les dents
Je souris car j’ai un plan pour me sortir de ce cycle dantesque.
Alors je fais ce que je fais de mieux: apprendre, être borné et foncer.
Ah mais ça veut dire que ton frère avait un peu raison, quand même?
Tais-toi.