Aurores Boréales en Islande – Un échec qui n’en est pas un
J’ai pris mon sac à dos pour deux semaines en Islande dans un but très précis. Est-ce que je l’ai atteint? Non. Mais j’ai eu tellement mieux, oh oui.
Les prémices d’un voyage en black & white
Printemps 2018, je passais deux mois en Californie pour ce qui sera l’un des voyages les plus marquants de ma vie. Peine de coeur, premier piercing, renaissance, nouveaux horizons, nouvelles amours. La route est encore longue devant moi mais elle est belle.
Ces deux mois sonnaient la fin de mes études supérieures. Du haut de mes 24 ans alors, j’avais déjà vécu 1 en Irlande, 2 mois à Singapour, 2 mois à San Francisco, merci le culot et les cours. D’autres ont fait bien plus mais moi, ça me suffit.
Non. C’est faux.
Je n’ai jamais voyagé seul jusqu’alors. Je ne me suis jamais retrouvé seul avec moi-même. Merci les amours et la famille. Durant cette période bien particulière, j’avais besoin de cela, d’affronter ces petits êtres sombres qui sommeillaient en moi et qui me rongeaient les tripes.
J’aurais dû vivre à Zürich, en Suisse, après mes études. J’aime beaucoup cette ville, son rythme, sa sérénité. L’univers en a décidé autrement et 1 an plus tard, retour à la case départ parisienne. Je n’aime pas son métro, ses gens, sa pollution. Ou plutôt, d’autres villes me correspondent mieux. Voilà que je dois y travailler…
Je patiente mais le temps se fait long. Je ne vois pas de voyage à l’horizon et je ne suis jamais resté “sur place” pendant si longtemps. Il me faudra 1 an encore pour me réveiller un beau matin sous le ciel français et commencer une journée qui me mènera à m’endormir dans une auberge de jeunesse islandaise.
Le début d’un voyage que je ne savais pas encore fondamental à mon épanouissement personnel.
Nous sommes alors en Février 2020. Je n’ai pas voyagé depuis 1 an et demi, je suis en manque, la vie me démange, j’ai le souffle court. Il me faut sentir l’air d’un autre pays, partager l’oxygène d’une autre culture.
Serait-il cliché de dire “l’Islande était comme une évidence?”. Probablement. Et ce ne serait même pas vrai, en plus. L’Islande n’était pas comme une évidence, c’était juste un pays qui m’attirait par son folklore, ses paysages et ce sentiment que là-bas, quelque chose se passerait. Quoi? Je ne sais pas.
Ça, ou alors parce qu’il y avait la possibilité de voir les aurores boréales, les Northern Lights tant convoitées par tant de rêveurs et de voyageurs.
Tu choisis.
Je me fixe alors deux défis:
- Voir des aurores boréales.
- Prendre des photos de qualité de ces aurores boréales.
Est-ce que j’ai atteint ces deux objectifs?
Absolument pas
Est-ce que je suis déçu?
Absolument pas.
Iceland
Prenons un instant pour respirer l’air d’Islande.
Le nom de ce pays n’a pas le même sens en anglais: Iceland. Iceland, la terre de glace. Le nom de ce pays n’a pas le même sens sans son voisin: Greenland. Greenland, la terre verte.
Je ne vais pas te raconter la vérité mais plutôt la légende qui est plus intéressante ici. Hrafna-Flóki Vilgerðarson, l’un des premiers à avoir laissé son bateau sur les rives d’Islande, aurait nommé ces terres pour dissuader les autres marins d’explorer ce territoire magnifique. Vois-tu, si l’Islande est blanche en Hiver, elle est émeraude en Eté tandis que le Groenland est blanc en Hiver et blanc en Eté. Quoi de mieux pour tromper les voyageurs que de les emmener vers une île supposément plus belle? Voilà le mythe qui se cache derrière l’Islande.
Tu as déjà une image, non?
Maintenant, imagine un pays au climat hivernal dangereux où les gens vivent au rythme de la nature et pas l’inverse. Un pays où les routes sont peu nombreuses mais traversent toujours des paysages à te faire arrêter ta voiture. Des fjords, des rivières, des plaines glacières ou volcaniques… Un pays à la beauté dangereuse et hypnotisante.
Je ne le savais pas pleinement en arrivant là, je n’avais pas conscience de tout cela. Tout mon voyage, je l’avais organisé autour des aurores, ou presque. J’avais deux semaines devant moi avec autant de nuits et même une excursion au cœur de l’Islande dans un endroit sans pollution lumineuse.
La pollution lumineuse, c’est l’une des 3 variables pour voir des aurores. Les deux autres ce sont les nuages ainsi que “l’indice” d’aurore boréale qui se situe sur une échelle de 0 à 9 (9 étant ultra mega intense!).
Eh ben tu sais quoi?
Je n’ai jamais eu ces 3 variables en même temps. Je sais, je sais, je te spoil… Pourtant, cette histoire n’a pas les aurores comme sujet, est-ce donc vraiment un spoil?
Ce n’est qu’un détail
Mon arrivée sur le sol Islandais fut mouvementée. Mon vol et mes bagages avaient en tout 5h de retard, je me suis enlisé dans la neige à l’aéroport et suis donc arrivé à mon auberge de jeunesse à 23h au lieu de 19h… après avoir survécu au blizzard durant 45 minutes de voiture, seul au volant. Ma première soirée fut donc très courte et je prenais la route le lendemain matin.
Pourtant, je me sentais bien. J’étais anxieux, c’est sûr. Pour un premier voyage en solitaire, que de rebondissements à l’atterrissage! J’avais déjà plein d’histoires à raconter et c’est même comme cela que j’ai sympathisé avec les quatre personnes avec qui je partageais ma chambre ce soir-là.
Elle est là, la clé.
La clé n’est pas dans un élément du paysage, une expérience que l’on souhaite vivre. La clé est dans tout le reste.
Il y a ce film qui prend place en Islande, Bokeh, qui représente beaucoup cette sensation. “Bokeh”, c’est tout simplement un mot Japonais signifiant “flou” et qui désigne le flou autour d’un sujet, en photographie. Tu sais, comme quand tu prends un portrait et que c’est flou tout autour? Bokeh. C’est très simple à réaliser car lié à des fonctionnalités basiques d’un appareil photo et il suffit de jouer avec l’ouverture du diaphragme pour avoir plus ou moins de flou autour de ton sujet.
Je suis arrivé en Islande avec “Aurore” comme objectif. Tout le reste était flou.
Il me faudra plusieurs jours pour que je comprenne que ce pays avait bien plus à offrir, comme tous les endroits que nous visitons sans jamais vraiment les visiter.
Il me faudra en réalité vivre le cinquième jour pour pleinement le comprendre. Le cinquième jour, j’avais ma fameuse excursion à Kerlingarfjöll, en plein cœur de l’Islande. Nous n’étions que six au milieu du monde.
Imagine-toi.
Tu viens de faire 3h de super-jeep à travers la toundra d’Islande et peu à peu, les traces de vie humaine s’estompent jusqu’à ce que tu n’arrives à une ancienne station de ski depuis longtemps fermée et réaffectée en auberge, particulièrement appréciée en été. Tu arrives au milieu de la neige et des montagnes, une rivière à moitié gelée coule à tes pieds tandis qu’un grand chalet s’étend derrière toi. Tu es accueilli|e par deux Serbes formidables, si souriants et bienveillants que ton cœur devient soleil. Ici, il n’y a que toi, deux Belges que tu viens de rencontrer et ton guide Islandais.
Tu es seul|e au monde et tu n’as pourtant jamais été aussi bien entouré|e durant ton voyage qu’à cet instant précis.
Ce soir, tu devrais voir les aurores. Il n’y a pas de nuages, pas de pollution lumineuse. Tu resteras dehors une partie de la soirée, dans le froid mordant, à espérer voir la magie de l’Islande.
Tu ne la verras pas.
Et quand tu te réveilleras le lendemain, tu comprendras que ce que tu cherchais dans ce voyage n’avait aucune valeur face à tout ce que tu as déjà vécu depuis ton arrivée.
Bokeh.
Voyager en Islande, d’autant plus en hiver, te fait voir le monde différemment. L’Islande est peuplée de 360.000 habitants dont 1/3 vit à Reykjavik. A titre de comparaison, Paris c’est 2.000.000 d’habitants. Sur 360.000, tu as environ 50.000 expats/immigrés, principalement des pays de l’Est.
85% d’Islandais, 15% d’Étrangers et pourtant 1 seule communauté. Oui, que tu parles à des Lituaniens, des Polonais, Serbes, Roumains, Islandais, Français, Tchèques, Portugais, tous ceux qui vivent sur cette île te font sentir à la maison.
À la maison.
Et je ne t’ai pas parlé des paysages… Pour cela, je t’invite à lire ces histoire: Djúpalónssandur et Laugarvatn.
C’est aussi pour cela que de si nombreux voyageurs s’y perdent et y restent pour ne plus en partir.
En Islande, n’importe qui peut se sentir à la maison et moi, je ne venais que pour voir les aurores…
What a fool.