Le Goût des Habitudes
Divers thés en vrac

Le Goût des Habitudes

Nous avons tous nos petits rituels, qu’ils soient au réveil ou durant la journée. Comme bien d’autres, le mien est une affaire de thé.

Earl Grey

Se préparer un thé est pour certaines quelque chose de banal, sans intérêt pour d’autres et, pour les gens comme moi, un rituel sacré, un instant à part.

Les étapes changent selon les cultures et les atmosphères mais il s’agit toujours de faire chauffer de l’eau sans la bouillir au risque de brûler les arômes de nos feuilles, puis de laisser infuser selon un nombre précis de minutes qui varie en fonction de la composition choisie. Cela vise à développer au mieux les arômes spécifiques de chaque thé.

J’ai grandi en détestant le thé. Je ne comprenais pas ces gens qui se prenaient d’amour pour cette boisson amère ou insipide, pire, les gens qui n’ajoutaient pas de sucre pour compenser. Je n’avais en tête que les sachets bas de gamme bouillis et trempés durant d’interminables minutes. Le goût était frustrant, sans intérêt et je n’en buvais que par convention ou pour faire comme les grands.

Un jour pourtant, bien des années plus tard loin devant l’adolescence, quelqu’un m’offrit ce thé, mon premier vrai thé : une boîte bleu clair, fleurie, avec en elle de vraies feuilles de thé en vrac. La première tasse détermina la boisson que je choisirai comme la mienne des années durant : des arômes d’une puissance autant dans les narines que sur les papilles telle que je n’en avais jamais ressentie auparavant. Cannelle, anis et girofle se mariaient à l’orange, le citron et surtout la bergamote caractéristique des thés noirs Earl Grey, le tout adouci par des saveurs subtiles de vanille.

Le thé ne me quittera plus, y compris durant mes longs voyages, même si je n’en bois pas tous les jours. C’est devenu une habitude comme une autre, un rituel qui se consomme toujours dans la même tasse ou du moins celle du moment : le chaudron d’Irlande, celle à double paroi Bodum, celle pour me motiver durant le NaNo et enfin celle pour laquelle j’ai craqué en Islande. Je n’en bois pas tous les jours mais comme toutes les habitudes, j’en ai besoin régulièrement.

Dernièrement pourtant, je ne retrouvais plus les saveurs d’antan en dépit du nombre d’infusions que je tentais avec mon thé fétiche quand je le choisissais. Au détour d’un séjour d’une semaine chez des amis, je passais par un salon de thé pour en offrir et demander conseil. Une solution en poche, je n’avais qu’une hâte : la tester. Pourtant, une semaine devrai-je en effet attendre, une semaine à la fin de laquelle mon étagère débordante d’une multitude de thés variés me manquait terriblement. Oui. J’étais en manque et je voulais mon thé.

Alors, enfin rentré, je me préparais pour le moment tant attendu. J’allais pouvoir, l’espérais-je, retrouver les saveurs qui n’ont jamais cessé de me combler mais m’avaient trop longtemps abandonnées.

Je fis chauffer mon eau…

… pour l’oublier.

Ce n’est pas bien grave car la laisser refroidir suffit amplement. Une fois fait, je mis mes feuilles à infuser, une excitation enfantine dans le cœur exacerbée par ces parfums d’épices montant de mes narines à ma nostalgie. J’avais tellement hâte.

Tellement hâte que j’oubliais mon thé en pleine infusion ce qui permit aux feuilles de barboter 57 minutes de plus que le temps conseillé.

Soupir. C’était ma dernière tasse.

J’aurais dû en racheter.

Pierre-A

Pierre-A

Jeune aventurier perdu entre digital et fantasy. Derrière cette description douteuse se cache un écrivain en quête d'évasion et un web-analyst hyperactif. Derrière cette deuxième description douteuse, juste un grand enfant comme les autres, fougueux et créatif.

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