Histoires en Cours & Inachevées
Petit recueil de ces histoires partiellement partagées et qui n’ont pas encore trouvé leur fin….
A garder en tête
Les histoires ci-dessous peuvent être partielles, non corrigées et parfois lourdes dans la lecture. Elles sont inachevées, quoi!
Reliefs – Voile de Brume
Une étape de plus
… donc, tu n’es pas en paix avec toi-même.
Les mots de son ami Jangdar tournaient dans sa tête depuis qu’ils avaient enchaîné les chopes à La Mesure des Fûts. Ils tournaient aux côtés des pensées soulevées par sa rencontre avec cette fille, Teha.
- Tu veux en parler, Ihyvane ? fit une voix en face de lui, interrompant ses pensées.
- De quoi ? feint-il.
- De ce qui te fait te perdre dans le ciel à travers la fenêtre derrière moi.
- Ah, Somaya… Je ne peux donc vraiment plus rien te cacher, hein ? soupira-t-il.
- Rien de rien.
- Très bien… C’est encore une histoire de relations humaines.
- Tiens, étonnant. C’est une bonne chose, tu ne crois pas ? Après tout, tu étais las d’être reclus dans ta bulle, non ? sourit-elle ironiquement mais de la douceur dans le regard.
- Ouais ouais…
Il soupira de plus belle. Il voyait Somaya une fois par semaine et elle l’aidait à voir plus clair dans sa vie et surtout dans son cœur. Si elle mettait ses pouvoirs de Télépathe au service de la psychologie, seule la parole était mise en pratique avec lui.
- Je suis dans un sacré creu, en ce moment, entama-t-il, et ça fait quelques semaines déjà, voire quelques mois. Plus j’avance, plus je me demande quand diable vais-je pouvoir en sortir.
Somaya, même si elle ne répondit pas, avait son attention focalisée sur son patient et sur son souffle court, son dos courbé, son regard fuyant, ses lèvres mordillées.
- Commençons par ça, tiens ! brusqua-t-il en souriant largement. J’ai réalisé que je n’étais pas heureux, pas mal, hein ? Je m’étais persuadé que j’étais heureux, tu sais ? Après tout, avec un travail que j’aime, un cercle familial et amical aimant, un rêve à suivre et un endroit où vivre qui me correspond, comment ne puis-je pas être heureux, hein ?
Il ne perdait pas son sourire mais ses yeux n’en profitaient toujours pas.
Il inspira avant de continuer :
- Tu te rappelles ce séjour passé chez des amis où nous avons fini par parler de nos enfances, nos ancres et nos blessures ? Par les Originels que je suis chanceux ! Jamais sans toit, pas de traumatisme violent, pas de problème majeur à part des ruptures et un problème avec le chocolat relativement maîtrisé… Je suis chanceux. La vie m’a largement épargné, en comparaison. J’ai pas le droit d’être malheureux.
- Penses-tu que ton histoire passée soit une variable dans ton bonheur actuel ?
- Evidemment ! Mon passif m’amène là où je suis aujourd’hui, après tout.
- Et que penses-tu de toi, aujourd’hui ?
- J’ai une belle vie. Je me rapproche de mes objectifs et de mes passions quoique moins vite, je suis ma voie comme je l’imagine ou presque.
- Ce n’est pas toi, ça. C’est extérieur à toi. Que penses-tu de toi? insista-t-elle.
- De moi… ?
*
Jangdar et lui n’étaient pas forcément de grands bavards quand il s’agissait de parler de leurs problèmes mais ils se soutenaient mutuellement depuis quelques années à présent. Aussi, lorsqu’Ihyvane lui proposa de boire un verre ou deux, ce dernier n’hésita pas ni ne passa à côté de son besoin de parler. Les chopes s’enchaînèrent et Ihyvane finit par partager ce qu’il avait sur le cœur après un « bon alors, qu’est-ce qu’on fait là ? ».
Après des années à vouloir plaire aux autres, jouer des rôles, tenter de s’intégrer, il avait finit par comprendre que tout cela n’était pas sain et qu’il devait composer avec sa personnalité brute. Une leçon que tout le monde apprenait un jour, tôt ou tard. Racontant tout cela, il ajouta :
- Tu vois, j’ai accepté ce que j’étais. J’ai accepté mon tempérament, je suis en paix avec tout cela.
- Sauf que tu aimes pas ce que t’es.
- Mais si ! Je suis bien tel que je suis, sans rôle, j’ai juste conscience que ce « Moi » fonctionne avec très peu de personnes.
- Ca te dérange, non ? rétorqua-t-il, incisif.
- C’est pas que ça me dérange, se défendit-il, c’est juste que ça réduit les possibilités quand il s’agit de rencontrer des gens et que ça, pour le coup, c’est dommage.
- Alors si j’ai bien compris, tu as accepté qui tu étais mais ça te dérange que cela ne colle pas avec tout le monde et que ça t’empêche de nouer des liens avec les autres.
- Non, enfin oui… ?
Ihyvane n’avait aucune contre-attaque. Oui, il avait beau accepter qui il était, il n’aimait pas ce que cela représentait pour les autres. Face à son silence qui sonnait comme une réponse, Jangdar asséna :
- Donc tu n’es pas en paix avec toi-même.
La logique était certes douteuse, il conclut qu’il avait raison, quoiqu’il ne souhaitait se l’admettre ni le dire à trop haute voix.
Quelques jours plus tard, Ihyvane rencontra Teha et leur relation le força à regarder ce qu’il refusait de voir. Ils se retrouvèrent sur l’un des nombreux réseaux de rencontres de l’Haloneste, l’Internet d’Hebenelia, un peu par hasard, puisqu’il ne faisait pas partie des personnes pour qui cela fonctionnait. L’engouement des premiers échanges finit par un partage d’identifiant de Filineste pour plus facilement discuter.
Elle avait tout d’une bonne vivante. Libre, lumineuse, il comprit tout de suite qu’elle jouerait un rôle dans son histoire, d’une façon ou d’une autre. Il comprit aussi qu’il jouerait un rôle dans la sienne. Ils discutèrent de longues heures par messages, comme de vieux amis, parfois de vieux amants, bienveillants l’un envers l’autre, taquins et sans arrières pensées. Plus il lui parlait, plus la lumière qu’elle projetait sur sa propre vie dessinait les ombres de sa vie à lui. Ils discutèrent de voyages, de pâtisseries, des belles choses de la vie, jusqu’à ce qu’elle ne finisse par dire :
- J’ai appris à m’occuper de moi, avec le temps. Je m’achète des fleurs, je m’emmène en rendez-vous, je me fais l’amour, je me fais vivre de beaux moments et même si je ne suis pas la plus heureuse du monde, je suis sur la bonne voie !
Ces mots dorénavant naturels pour elle percèrent un voile dans son esprit. Entre les pensées soulevées par Teha et celles soulevées par Jangdar, il ne put qu’arriver à la conclusion qu’il s’apprêtait à partager à Somaya :
- Je pensais que j’étais en manque d’amour. Que j’étais bien avec moi-même mais qu’il me manquait ce petit quelque chose qui fait fleurir les sourires les plus débiles. En réalité, mon problème ne réside pas là. Je ne souffre pas d’être dépourvu d’amour de la part des autres…
Il respira profondément comme si cela permettrait de faire un couloir d’air pour les mots qui peinaient à sortir :
- Je souffre du manque d’amour que j’ai pour moi.
Somaya sourit tranquillement en hochant la tête avant de dire doucement :
- Regarde-moi, Ihyvane.
Ses yeux paniquèrent quelque peu mais il porta son attention vers elle.
- Tu en as fait du chemin. Je sais bien que tu ne t’en rends pas compte et je t’épargnerai une longue tirade sur toutes les choses que tu as dépassé ces derniers mois. Je te laisse ce privilège, il t’appartient.
« Je te le promets pourtant : tu viens de franchir une nouvelle étape, une étape cruciale dans ton acceptation de toi et dans ta capacité à être heureux. Tu peux être fier de toi, mon ami. Tu peux être très, très fier de toi.
Reliefs – Au détour de l’univers
A quel point ?
- Et donc vous avez décidé de rester amis ? demanda Somaya.
- Oui ! C’était mieux comme ça. Après tout, on se prenait trop la tête sur des trucs qui ne méritaient pas autant d’énergie dépensée ! répondit Ihyvane du tac au tac.
- Je suis heureuse pour toi, tu sembles avoir trouvé là quelqu’un qui t’aide à trouver l’équilibre.
- C’est fou, non ? A la base, on s’était juste rencontré sur l’Haloneste un peu par hasard alors qu’on voulait tous les deux quitter ses réseaux de rencontre qui ne nous correspondaient pas et on a fini par créer une relation formidable. Je la gâcherais pour rien au monde.
- Et vous vous revoyez quand ?
- Ce weekend, à Fleuhonne !
- Tu me raconteras ?
- Evidemment.
Avant d’en arriver là, les deux amis s’étaient effectivement posés bien des questions. Leur premier rendez-vous fut comme embarquer sur un navire : tout semblait calme et paisible une fois les amarres largués mais la tempête ne tarda pas à arriver. Entre le moment de leur rencontre devant le monument historique de la cité, La Lady de Rodum, et leur séparation en bord de l’eau, Ihyvane crut n’avoir dépensé qu’une heure quand une journée s’était envolée. Avant leur première rencontre, ils avaient fomenté un plan de rencontre : se retrouver devant La Lady de Rodum, faire un marathon de pâtisseries et profiter de la Ville aux 23 Carillons.
Il l’attendait sur le lieu de rendez-vous mais, tant perdu dans ses pensées et sa musique, il ne la vit arriver que lorsqu’il tourna la tête pour faire face à celle lui ayant touché le bras.
Elle envahit son espace d’une brise floral porté par ses cheveux de jais frisés et par sa carrure : aussi grande que lui et avec de belles rondeurs, elle inspirait la confiance et la tendresse. Il jura intérieurement car la surprise le rendit maladroit mais elle ne sembla pas le remarquer ni s’en formaliser.
Ils cherchèrent de quoi manger avant de profiter du soleil derrière La Lady et il fut agréablement surpris par la tournure des événements. Très rapidement, leur premier rendez-vous sembla être le rendez-vous de deux amis ne s’étant pas vu depuis des mois sans aucune gêne provoquée par leur situation. Ils se balladèrent ensuite dans les rues de Rodum, balade qui les emmèna jusque sur les rives du canal
Ihyvane était proprement pertubé, pourtant.
Il appréciait sincèrement Teha.
Mais à quel point ?
Cela, il ne le savait pas.
Visiblement, elle le savait car lorsqu’il répondit « Parce que tu es mignonne » à sa question concernant son regard appuyé, elle lui lança : « Alors pourquoi tu ne m’embrasses pas ? ».
Et ce fut ainsi que leurs lèvres se trouvèrent pour la première fois mais pas la dernière. Ils se quittèrent une poignée d’heures ensuite, s’embrassant de nouveau mais les doutes demeurèrent angoissants pour Ihyvane.
Il appréciait sincèrement Teha.
Mais à quel point ?
Cela, il ne le savait toujours pas.
Restons amis
Ihyvane était persuadé que la seule manière pour lui de partager à nouveau sa vie avec une âme était d’être d’abord en paix avec la sienne.
Il aimait le temps passé avec Teha ainsi que leurs nombreux échanges et il voulait la revoir mais il avait peur de pourquoi. Etait-ce par égo de se sentir ainsi désiré, apprécié ? Etait-ce par profonde envie de partager un fragment de vie avec son amie ? Pour savourer un court chapitre ?
Ces pensées étaient trop corrosives pour qu’il soit juste de les garder pour lui alors que tous les deux avaient déjà prévu de se revoir quelques jours plus tard.
Il décrocha donc son Filineste pour discuter de vive voix avec elle, pour lui parler de ses peurs, de ses démons : tant qu’il ne saurait pas ce dont il avait besoin dans sa vie, il était dangereux d’y faire entrer quelqu’un.
La réponse de Teha fut à son image : franche et bienveillante.
- Autant régler l’affaire avant que l’on se revoit pour ne pas perdre du temps. Il n’y a que trois options avec moi, Ihyvane. Soit nous restons amis, soit nous ne faisons que nous amuser sous la couette sans aucun autre lien, soit nous tentons quelque chose de sérieux. Il n’y en a aucune autre.
Pour Ihyvane, la deuxième était impensable : il aimait la relation de confiance que tous les avaient créée. Celle-ci lui était précieuse car si seuls quelques jours les séparaient de leur rencontre sur l’Haloneste, sa présence était pourtant solaire dans la pénombre de sa vie.
La première ne luit était pas plus confortable car quels que fussent ses émotions, elles allaient plus loin que l’amitié.
Restait alors la relation sérieuse. Il avait peur de s’engager avec elle, peur que cela ne fonctione pas et ne finisse par briser cette belle relation embryonnaire.
Il peina bien des minutes durant à réfléchir à voix haute et elle l’écoutait avec patience, sans jugement quoiqu’avec une certaine froideur compréhensible. Il finit par pencher pour l’option de la relation plus approfondie, incapable pourtant d’y accolé le mot « sérieux » et si mal assuré que ni l’une ni l’autre ne semblait y croire…
…si bien qu’à peine deux nuits plus tard et bien des peurs partagées des deux côtés, Teha finit par lui dire :
- Ihyvane, je ne pense pas avoir ce qu’il faut pour être en couple.
Quoiqu’il n’arrivait pas à comprendre pourquoi, Ihyvane fut particulièrement soulagé. Il n’était finalement pas prêt non plus, en dépit de son assurance. Tous ces nœuds dans son ventre et son esprit ne devaient pas exister dans une relation à peine commencée.
- On reste amis ? demanda Teha.
- Bien évidemment que oui, répondit-il sans une once d’hésitation.
S’il avait une certitude dans tout cela, c’était qu’il la voulait dans sa vie d’une manière ou d’une autre.