Le Cadenas Bleu – Artefact du passé
Un cadenas bleu

Le Cadenas Bleu – Artefact du passé

Les fragments de souvenirs revêtent bien des formes: des objets anodins, des images, des sons ou encore de simples bouts de métal.

De Singapour à Paris

Tout commence avec un petit cadenas bleu, un petit bout de métal de rien du tout qui m’aura coûté 3€ chez Décathlon quand j’étais à Singapour. Ce cadenas, aussi longtemps que je m’en souvienne et au moins depuis que je l’ai acheté, a toujours été accroché à la fermeture de mon sac à dos. Il était un peu comme un grigri, un objet toujours là et ma foi bien pratique en toute situation, comme celle impliquant une salle d’escalade à San Francisco avec un bonhomme formidable rencontré peu de temps avant.

Ce n’est pas l’exemple le plus magique mais nous parlons là d’un cadenas. Un cadenas sert à verrouiller des choses, non? Et ce cadenas, à mes yeux, représente tellement plus.

Et pourtant… J’ai fait une bourde.

La bourde implique une salle d’escalade, loin de San Francisco puisque celle-ci est en région parisienne. Pour utiliser sa fonction principale – verrouiller – et non secondaire – nostalgiser – j’ai utilisé mon cher cadenas pour ranger mes affaires dans le vestiaire.

Est-ce que tu vois venir le problème?

Bien sûr que tu le vois. Quelques jours plus tard, alors que je prenais mon sac à dos pour sortir faire les courses, l’horreur me saisit à travers une sensation fantôme, celle d’un cadenas qui n’est plus à sa place sur la fermeture. Oui… Ce cadenas si cher à mon coeur, je l’ai oublié au-dessus d’un vulgaire casier de vestiaire.

Tu me diras “Mais Pierre-A, ce n’est qu’un petit bout de métal de rien du tout qui t’a coûté 3€ chez Décathlon quand tu étais à Singapour!”.

Non. C’est tellement plus. Ce cadenas est un fragment de souvenir, un artefact du passé.

Ce cadenas, je m’en suis servi durant ce fameux voyage en Asie du Sud-Est, région dans laquelle tu peux découvrir des temples et des forêts où les singes ont élu domicile et sont passés maîtres dans l’art de chaparder les touristes imprudents qui ne s’en méfient pas. Ces petits coquins savent ouvrir les sacs à dos et n’hésitent pas à monter sur ton dos pour s’amuser et te dérober tout ce qui dépasse.

Mais moi, j’avais un cadenas bleu, quand l’un de ces farceurs s’est hissé sur mes épaules pour accomplir ses méfaits. Savais-tu que les singes pouvaient également ouvrir les cadenas? Ou en tout cas essayer? Lui a essayé. Il a aussi échoué, avant de tenter de le manger.

Ce cadenas a la marque de ses dents et j’ai eu pendant très longtemps un portrait de lui et moi en photo de profil Facebook!

Alors non, ce n’est pas un cadenas comme les autres.

Et pourtant… Ce cadenas qui protégeait tant de souvenirs, je l’ai oublié au-dessus d’un casier après des milliers de kilomètres à parcourir le monde. J’aurais mis 7 jours à m’en rendre compte entre le moment où je quittais la salle d’escalade et le moment où je découvrais l’ampleur de mon oubli. L’espoir était donc vain, perdu à jamais.

À ce moment, je décide tout de même d’appeler ma salle, le cœur battant. Bien sûr, à la question “est-ce que vous avez retrouvé un tout petit cadenas bleu?” la réponse était absolument négative. Ouch, mon cœur…

Je devais faire mon deuil mais j’avais tant de colère contre moi-même et face à ma stupidité. Franchement! Nous avons tant voyagé ensemble et voilà que je te délaisse sur un coin de ferraille! Quelle honte… Le lendemain de ma prise de conscience, je retourne à la salle, une forme d’angoisse au creux du ventre: retrouverai-je cet artefact, cette ancre à mes souvenirs?

Ma question à l’arrivée rencontrera le même mur douloureux: “Non, on jette tous les cadenas trouvés, question d’hygiène.”

Oh… J’étais dans le déni, bien évidemment. Une semaine s’était écoulée, j’avais eu deux non fermes, tout espoir était totalement vain, je m’étais convaincu de passer à autre chose entre ma maison et les trente minutes de trajet qui me séparaient de la réponse finale. J’avais besoin de savoir, j’avais besoin de le vérifier par moi-même.

Alors, bien évidemment que je me suis précipité dans le vestiaire en arrivant,  au risque de me lamenter une fois de plus. Quelle probabilité de le trouver juste au-dessus du premier casier en rentrant dans la pièce?

Infiniment petite, hein?

Et pourtant…

Il était là.

Mon tout petit cadenas bleu était là, à m’attendre avec ma nostalgie.

Je ne prendrai plus ce risque.

Depuis, il est à l’endroit où il aurait dû être depuis le début: cette boîte dans la bibliothèque derrière mon lit qui contient nombre de mes souvenirs à travers les années: un vieux Nokia passé à la machine, une cartouche de sauvegarde pour Dreamcast, une photo d’une ou deux ex, le livret de naissance cousu par ma maman, la poussière du passé

Et à présent, un petit bout de métal de rien du tout qui m’aura coûté 3€ chez Décathlon quand j’étais à Singapour.

Pierre-A

Pierre-A

Jeune aventurier perdu entre digital et fantasy. Derrière cette description douteuse se cache un écrivain en quête d'évasion et un web-analyst hyperactif. Derrière cette deuxième description douteuse, juste un grand enfant comme les autres, fougueux et créatif.

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